Vladivostock, février 1919
Nous avions abordé une voie de garage
et, soudain, les rails s'étaient peuplés. Isolés par deux ou
par trois, par rames entières, des wagons de marchandises se profilaient tout autour de nous.
Et c'était le premier de ces wagons que S'avine désignait de sa
cravache. Et la lanière tremblait au gré de sa fureur.
- Je ne comprends pas, dis-je.
- C'est à cause de ces réfugiés de malhheur, cria S'avine, que
nous sommes forcés de nous casser les jambes pour nous rendre en
ville.
- Je ne comprends pas, répétai-je.
- C'est pourtant clair, grommela le cossaque.
Il se dirigea vers le wagon. et en heurta rudement la paroi du
manche de son fouet. Au bout de quelques secondes, et n'ayant
reçu aucune réponse, il écarta lui-même les portes
coulissantes. Mais à peine eut-il ouvert qu'il fit un bond en
arrière en grondant :
- Ah, les fils de truie...
Je reculai également... Une odeur horrible, une sorte de buée fétide avait
déferlé jusqu'à nous. Malgré la répugnance qui crispait tous
mes nerfs, je me forcai à faire quelques pas vers l'ouverture
béante, à regarder. Et voici ce que j'aperçus :
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le
train du bout du monde |