De nouveau il
eut l'impression d'être dans
une maison depuis longtemps abandonnée... En allant vers la cheminée, il faillit buter contre une pile de grands cartons et
de petites boites : il étendit le bras, alluma la
bougie, puis souleva les couvercles et se
pencha pour regarder.
C'étaient des costumes de jeunes gens d'il y a longtemps,
des redingotes à hauts cols de
velours, de fins gilets très ouverts,
d'interminables cravates blanches et des souliers vernis du début de ce siècle. Il
n'osait rien toucher du bout du doigt, mais aprés
s'être nettoyé en frissonnant, il endossa sur sa blouse
d'écolier un des grands manteaux dont il releva le collet plissé, remplaça ses souliers ferrés par de fins escarpins vernis et se prépara à descendre nu-tête.
Il arriva, sans rencontrer personne, au bas d'un
escalier de bois, dans un recoin de cour obscur.
L'haleine glacée de la nuit vint lui
souffler au visage et soulever
un pan de son manteau.
Il fit quelques pas et, grâce
à la vague clarté du ciel, il put se rendre compte aussitôt de la configuration des lieux. Il était dans une petite cour formée par des bâtiments des dépendances. Tout y paraissait vieux et ruiné. Les ouvertures
au bas des escaliers étaient béantes, car les portes depuis
longtemps avaient été enlevées; on n'avait pas non plus
remplacé les
carreaux des fenêtres qui faisaient des trous noirs dans les murs. Et
pourtant toutes ces bâtisses avaient un mystérieux air de
fête. Une sorte de reflet coloré flottait dans les chambres basses où l'on avait dû allumer aussi, du
côté de la campagne, des lanternes. La
terre était balayée; on avait arraché l'herbe
envahissante. Enfin, en prêtant l'oreille, Meaulnes
crut entendre comme un chant, comme
des voix d'enfants et de jeunes filles, là-bas, vers les
bâtiments confus où le vent secouait des branches devant les ouvertures roses, vertes et bleues des fenêtres.