Balladez-vous sur L'anneau des moulins d'ici et d'ailleurs 

La Légende du Vieux Moulin

A mi chemin d'Ingrandes et de la Riottiere
Borne de la Bretagne et du sol Angevin
En face d'une croix bien triste à sa manière
Dans son délabrement s'éleve un vieux moulin.

Rigide sentinelle aux abords de la Loire
Montant la faction depuis plus de cent ans
Sa modeste consigne uniforme et sans gloire
Consistait à tourner docile au gré des vents.

Et sans cesse en eveil dans un pays fertile
Parmi les fleurs, les champs, la vigne et les jardins
Il etait fier, mêlant l'agréable à l'utile
De moudre les bles d'or, d'amuser les gamins.

Courbé sur son baton au terme de sa route
Un vieillard amaigri parfois se reposait
Sur son tendre gazon se rappelant sans doute
les plus chers souvenirs, un jour il lui disait.

A de ce bon vieux temps de jeunesse et de joie
Que l'amour couronne d'un charme inattendu
De ce temps bien lointain
En mon coeur attristé, moulin t'en souviens-tu.

Et sensible à ces mots pleins de melancolie
L'âme du vieux moulin s'émeut et s'enhardie
Et dans le crepuscule à la clarte palie
De sa plus douce voix, celui-ci repondit.

A tu connais du moins les joies de la famille
Les tendres caresses de tes petits enfants
Et les naïfs propos que leurs lèvres babillent
Sur tes frêles genoux, en éclats triomphants.

Aussi ne te plains pas, écarte ta tristesse
Evoque un passé dont le cher souvenir
Ramène le présent et verse à ta jeunesse
Un baume bienfaisant pour les jours à venir.

Passe les jours, le temps à rester sur la terre
Dans le recueillement, sois bon, sois généreux
La misère est si grande en ces heures de guerre
Ecoute ceux qui souffrent secourre les malheureux.

Et quand à moi qui ne tournait pas assez vite
Docile victime de la loi du progrès
L'homme ingrat et pressé, me délaisse et m'évite
Sans même témoigner la marque d'un regret.

Tout mon être s'ennuie, sous la fraiche rosée
A la plainte du vent, et quand le jour s'enfuit
Avec mes yeux borgnes et mon aile brisée
Je ne suis qu'un fantôme aux ombres de la nuit.

Mais les petits oiseaux tout transis de froideur
Viennent me retrouver et dans leur gaie babil
Me disent qu'il fait bon, sous ma vieille toiture
A l'aube du Printemps, aux premiers jours d'Avril.

Et l'Automne venue, prêt de quitter nos villes
L'hirondelle frileuse, encore un certain soir
Survole hativement, mes débris immobiles
Et, de son cris percant, me redit 'Au revoir'.

Sous la voute etoilée, à travers un nuage
La lune me sourit, lorsque chaqun s'endort
Et projette parfois O merveilleux mirage
Sur mon toit délabré ses pâles reflets d'or.

Te souviens tu du moulin lorsqu'allant l'école
Des billes dans la poche, et mon sac à la main
Je regardais sous le souffle d'Eole
Ton ombre vagabonde à travers le chemin.

Et plus tard a vingt ans en revant à la blonde
Sur un rustique char, aux airs d'une chanson
Je t'amenais joyeux une moisson féconde
Dont j'emportais bientôt la farine et le son.

Ou penché sur mon soc au chant de l'allouette
J'ouvrais de longs sillons avec mes grands boeufs roux
Tandis que le berger, muni de sa houlotte
Gardait ses blancs moutons au bois garni de houe.

Au declin de l'été, la vendange finie
Je venais caressé par la brise du soir
Prendre mes ébats en joyeuse compagnie
Te fêter en buvant le doux vin de pressoir.

Et le petit clocher de notre beau village
De son clair tintement saluait un matin
L'aurore d'un grand jour, celui du mariage
De ton vieux compagnon heureux de son destin.

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