Réglisse et Tigré de Patrick Bousquet

Après avoir bu son bol de lait et mangé ses croquettes, Réglisse, un petit chat noir, prit son cartable, embrassa sa maman et se dirigea, en chantonnant vers l'école.
En chemin, il rencontra son copain Tigré qui regardait émerveillé, la vitrine du charcutier et ne semblait pas du tout pressé d'aller en classe.
- Alors ces vacances ? interrogea Tigré en l'apercevant.
- Super ! fit Réglisse... Je suis allé au bord de la mer. Je me suis amusé comme un fou... Et toi ? C'était bien la montagne
?
- Génial ! J'ai fait de l'escalade, de la vraie ! Ca change des armoires. J'étais si bien. Quelle barbe de retourner à l'école !
- Ne commence pas ! répondit Réglisse. Cette fois, j'ai décidé d'être sage et d'apprendre à lire. Il parait que c'est très utile...
- Utile a quoi ? l'interrompit Tigre, en éclatant de rire. Crois-moi, pour courir après les oiseaux ou pour attraper les souris, tu n'as pas besoin de savoir lire. Tiens regarde plutôt ce que j'ai apporté...
Tigré fouilla dans la poche de son blouson et en sortit un grand élastique.
- Avec ça, reprit-il, je vais pouvoir lancer de grosses boulettes de papier sur la maîtresse... On va bien rire...

Au même moment, un léger bruit lui fit brusquement tourner la tète.
- Tu as vu, il y a un hérisson le long du mur, là-bas.
- Où ça ?
- Juste à coté du portail en fer... Allez, on y va.

Posant leurs cartables sur le trottoir, les deux complices s'avancèrent avec mille précautions. Soudain, Réglisse remarqua un écriteau accroché au portail du jardin dans lequel le hérisson, terrorisé, s'était réfugié. Un écriteau qui disait en énormes lettres rouges : "Attention au chien !"

Il s'arrêta prudemment, en essayant de déchiffrer les mots qui dansaient devant ses yeux.
- Qu'est-ce qu'il y a d'écrit ? demanda-t-il à Tigré qui s'impatientait.
- Je n'en sais rien ! Mais n'aie pas peur, ce ne doit pas être très important. Viens vite! Le hérisson va nous échapper...

Rassure par les paroles de Tigré, Réglisse se glissa sous la porte, suivi de près par son ami. Un aboiement terrible se fit entendre...
Un berger allemand surgit de derrière la maison et se précipita sur eux. Réglisse et Tigré eurent juste le temps de s'enfuir pour éviter les crocs du molosse, qui se jeta sur la grille du jardin en la mordant furieusement.
- Ouf ! On a eu chaud ! s'exclama Réglisse.
Sans demander leur reste, les deux chats, tout essoufflés, continuèrent leur route.

Un peu plus tard, près de l'école, un vieux bonhomme leur tendit une feuille en souriant. Tigré, très en colère de n'avoir pu capturer le hérisson, la jeta dans une poubelle sans même la regarder.
- Qu'est-ce que c'était ? fit Réglisse, surpris par son geste de mauvaise humeur.
- Certainement encore une publicité sans intérêt ! Dépêchons, nous allons être en retard.
- Ah ! Voici enfin les inséparables Réglisse et Tigré, nos deux "chats-huteurs" ! dit leur maîtresse, Mme Attal, en les accueillant. Installez-vous sans bruit, nous n'attendions plus que vous pour commencer la leçon.

Le lendemain, pendant la récréation, Mandarine, une petite chatte rousse, leur demanda :
- Pourquoi n'êtes-vous pas venus hier soir?
- Où ça? interrogea Tigré.
- Au nouveau magasin de jouets.
Pour fêter son ouverture, le marchand a offert une jolie balle en mousse à chaque élève qui se présentait avec le papier qu'il a distribué hier matin, près de l'école. C'était écrit sur la feuille. Vous ne l'avez pas lue ?
Les deux chats baissèrent la tête, un peu honteux.
- On ne sait pas lire... On a jeté le papier... murmura Réglisse.
- Quel dommage ! C'était très sympa... ; la prochaine fois, demandez-moi, je vous aiderai, ajouta-t-elle d'un air moqueur, avant de retourner jouer à la balle avec ses camarades.

Depuis ce temps-là, Réglisse et Tigré, à qui ces deux aventures malheureuses ont servi de leçons, sont devenus des champions en lecture. La quinzième lettre de l'alphabet leur a posé quelques difficultés... mais tout le monde vous le dira... les chats, même quand ils sont, comme nos deux amis, remplis de bonne volonté, n'ont jamais aimé... l'O !