La fête de la Musique
de Patrick Bousquet- Il paraît que la fille de Mme Trompette est malade, dit M. Baguette à son voisin M. Tam-Tam.
- Sarah ? C'est grave ?
- Je n'en sais rien...
- Pauvre petite ! Elle est si gentille...
Comme c'est bientôt la fête de la Musique, reprit M. Baguette, je pensais réunir tous les gens de l'immeuble, et monter un petit orchestre qui jouerait un morceau à son intention. Ça la distrairait un peu...
- C'est une bonne idée, dit M. Tam-Tam. Mais cela risque d'être difficile. Vous savez comme moi que, dans cette maison, l'harmonie est loin d'être parfaite entre les locataires... M. Tambour et Mme Guitare ne se parlent plus à cause d'une note... de chauffage trop importante ; M. Violon en veut terriblement à Mlle Piano de faire ses gammes tard le soir ; quant à M. Accordéon, il accuse Mme Flûte d'avoir perdu la clé de sol qui permet d'ouvrir la porte de son parking...
- Ne pourrions-nous pas justement, à l'occasion de cette fête, essayer de les réconcilier ?
- Sans doute. Écoutez, M. Baguette, nous allons faire de notre mieux pour rendre le sourire à Sarah... Vous pouvez compter su moi. Sur ces mots pleins d'espoir, les deux voisins se séparèrent...
Pendant une semaine, M. Tam-Tam et M. Baguette multiplièrent les visites, en expliquant le projet qui leur tenait à cœur...
Après bien des discussions, ils réussirent enfin à convaincre les locataires de l'immeuble de se retrouver le soir, dans une cave, pour répéter ensemble une mélodie très facile...
Ce fut un vrai désastre... ! Une véritable catastrophe !
- Vous jouez faux ! se plaignait M. Accordéon à Mme Guitare.
- Vous ne respectez pas le tempo ! s'écriait Mme Flûte à M. Tambour.
- À quoi sert que vous nous cassiez tous les soirs les oreilles avec vos gammes, si c'est pour jouer aussi mal ? ne cessait de dire M. Violon à Mlle Piano.
... Si bien qu'au bout d'une demi-heure, M. Baguette, découragé, décida de tout arrêter.
- C'est impossible ! s'écria-t-il en colère. Nous n'y arriverons jamais... C'est à croire que vous le faites exprès ! C'est dommage, mais tant pis pour Sarah et pour la fête de la Musique !
- Il a raison, vous êtes nuls ! ajouta M. Tam-Tam. Rentrez chez vous, ça vaudra mieux...
C'est le moment que choisit Mme Trompette, la mère de Sarah, pour faire son apparition :
- Excusez-moi si je suis un peu en retard, mais Sarah a encore beaucoup de fièvre. Elle a eu du mal à s'endormir. J'ai dû rester auprès d'elle plus longtemps que prévu... Où en êtes-vous ? J'espère que tout va bien C'est si gentil à vous d'avoir bien voulu nous réunir afin de jouer pour ma fille Elle va être si contente.
Un peu honteux, les locataires baissèrent la tête sans oser répondre...
- Nous n'attendions plus que vous pour commencer, chère Mme Trompette, enchaîna M. Baguette en souriant... N'est-ce pas mes amis... ?
- Oui, s'écrièrent-ils en chœur...
- Nous cherchions... le la... et nous venons juste de le trouver, bégaya Mlle Piano en rougissant.
- Puisque tout le monde est prêt, allons-y ! commanda alors M. Baguette en faisant un clin d'œil à M. Tam-Tam... 3... 4...
Et chacun, oubliant d'un seul coup ses querelles et sa mauvaise humeur, se mit à jouer une mélodie très tendre qui monta dans le silence de la nuit...
Le jour de la fête de la Musique, Sarah eut ainsi la grande surprise de voir entrer dans la chambre inondée de soleil le petit orchestre...
-Bravo ! Bis, bis ! s'écria-t-elle en applaudissant quand le morceau fut terminé. C'est si beau ! C'est si harmonieux ! ... Je suis sûre que grâce à vous je serais bientôt guérie...
Désormais, et grâce à la musique, une parfaite entente règne entre tous les locataires de l'immeuble, qui se retrouvent souvent pour jouer ensemble à l'occasion d'une fête ou d'un anniversaire.
Quant à Sarah, elle apprend la clarinette, à la grande joie de M. Tam-Tam, de M. Baguette, de Mlle Piano, de Mme Guitare, de M. Accordéon, de M. Violon, de M. Tambour, et de Mme Flûte qui ne peuvent s'empêcher de rire parfois en évoquant le souvenir de leur première répétition... qui avait failli leur faire tourner définitivement... le do !