Les lignes de force

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Les lignes de force du Code wallon du logement

 

1. Tout a-t-il été dit sur le Code du Logement ?

La construction décrétale est soutenue par des lignes de force.
Lignes droites, elles tracent de nouveaux horizons, elles dessinent de nouveaux territoires d’action, elles sont dynamiques.
Sans s’arrêter au rôle coordonnateur d’un Code,  il faut ici évoquer les vagues de fond, les mouvements porteurs, les orientations.

2. Le Code comprend deux grandes parties :
" les instruments " et " les acteurs " de la politique régionale du logement.

2.1. Parmi les instruments, sont définis les critères de salubrité du logement, les aides aux acteurs de la politique, comment cibler ou créer des aides dans les zones d’initiative privilégiée, et comment lutter contre l’inoccupation des logements.

Le découpage de la matière est éclairant.

2.1.1. Les assises décrétales données à certains critères sont non seulement nouvelles mais étaient nécessaires.

Auparavant, les " critères d’insalubrité " relevaient d’une circulaire.
Dorénavant, le décret habilite le Gouvernement à les fixer dans des matières précisées.

Auparavant, la portée des mesures prises par les pouvoirs locaux était discutée. Dorénavant, suite à une procédure lancée par l’Administration, relayée par le Bourgmestre, contrôlable par le Gouvernement, des sanctions pénales sont applicables.

Auparavant, les critères de salubrité conditionnaient le bénéfice d’une prime ou d’une aide aux particuliers.
Dorénavant, les critères minimaux de salubrité des logements traversent tout le Code, s’appliquent aux personnes physiques, demandeurs ou pas d’une aide régionale, aux acteurs publics et privés de la politique du logement.

2.1.2. La rédaction même du dispositif relatif aux aides est à souligner.

2.1.2.1. Le " menu " des aides aux personnes physiques est détaillé.

Le parallélisme opéré entre les " aides aux personnes morales autres que les sociétés de logement de service public " et les " aides aux sociétés de logement de service public " a la clarté d’un jardin à la française.

Les acteurs sont reconnus, selon leurs spécificités. Parmi ces acteurs, le Code ouvre un nouveau diptyque : les sociétés de logement d’une part, et les autres personnes morales, le pouvoir local, la régie communale autonome, un organisme à finalité sociale, d’autre part.

Une distinction est faite selon les possibilités d’action de ces autres personnes morales : selon la catégorie d’aide, c'est-à-dire selon le type d’opérations immobilières à mener, le Code permet à l’un ou à l’autre d’être subsidié ou non par la Région wallonne.

L’évolution des arrêtés d’exécution, appliquant parfois des décrets budgétaires, avait laissé poindre de nombreux régimes différents : les voici classifiés, tant dans la définition de l’opération immobilière, que dans l’acteur privilégié.

2.1.2.2. Outre cette classification, un sort légal est fait à la querelle juridique du " qui peut quoi " entre le législateur fédéral et le législateur régional.

Dans les conditions d’octroi et du calcul des aides, le Gouvernement reçoit l’habilitation décrétale de déroger au Code civil, pour ce qui est du calcul du prix du bail ou de la convention d’occupation comme du régime même de ces contrats. En plus des normes de salubrité, - autre élément significatif, - le décret a des accents économiques : le Gouvernement lie les aides à des objectifs de prix de revient maximum des logements subventionnés et entend faire " tourner " l’argent régional des subventions dans des délais précis et maximums.

2.1.2.3. Evolution acquise dans la pratique administrative, les sanctions financières au non-respect des conditions d’octroi des aides sont allégées quand le temps passe : les articles 38, 49, 63 et 74 du Code le permettent.

2.1.2.4. La procédure de demande des aides est contenue dans des délais préfix et impose la notion de " dossier complet " : le citoyen est un client respecté.

2.1.2.5. Les arrêtés d’exécution du Code étant pris et publiés au Moniteur, relevons enfin que la Société wallonne est reconnue dans son habilitation à prendre des mesures d’application propres au secteur des sociétés de logement de service public.

A la différence des arrêtés visant les aides aux personnes physiques et aux personnes morales autres que les sociétés de logement de service public, dans les arrêtés relatifs aux aides que peut octroyer la S.W.L. aux sociétés agréées, le Gouvernement a laissé le soin à la S.W.L. de déterminer la procédure pratique quant aux contenus des dossiers et à leur suivi. Il est vrai qu’en la matière, le contrat de gestion passé entre le Gouvernement et la S.W.L., les travaux du plan d’action sectoriel menés par la S.W.L., les sociétés, la D.G.A.T.L.P. et le cabinet du Ministre de tutelle ont permis de simplifier et d’aligner les procédures. Il est vrai aussi que la S.W.L. édite et complète régulièrement des vade-mecum, garantissant une coordination progressive.

2.1.2.6. Le Code organise le transfert de certaines matières à la S.W.L. et aux sociétés agréées.

Au fur et à mesure que se développaient de nouveaux régimes d’aide, des procédures doublées entre la S.W.L. et la D.G.A.T.L.P. venaient compliquer les dossiers montés par les sociétés agréées par la S.W.L. (logement moyen et ancien art. 74), ou des opérations immobilières menées par les sociétés agréées suivaient des processus propres à la D.G.A.T.L.P.

Lors des travaux du plan d’action sectoriel relatifs à la simplification des procédures, - travaux parallèles à l’avant-projet de Code du logement, - la proposition a été faite au Ministre, qui l’a acceptée, de distinguer les opérations immobilières conduites par les sociétés de logement de service public et la S.W.L. des opérations d’autres personnes morales.

Les sociétés de logement font preuve d'une expertise confirmée ou bénéficient de l’accompagnement de la S.W.L., elles appliquent les lois sur les marchés, elles travaillent dans des délais que leur autonomie ou leur responsabilisation dynamisent : les articles 64 et 76 précisent que les demandes des sociétés sont adressées à la S.W.L. seule, qui gérera les enveloppes budgétaires des crédits y afférents.

2.1.3. La lutte contre l’inoccupation des logements.

L’acte de prendre en gestion ou en location un logement inoccupé, suite à une procédure amiable avec le titulaire de droits réels de ce bien ou par attribution par le Juge de Paix, constitue-t-il une " réquisition douce " ?

L’expression tant imagée révèle son origine et sa portée : il n’y va pas de la réquisition selon la " loi ONKELINX " mais il s’agit d’une mobilisation organisée du patrimoine inoccupé, en désignant qui peut agir et selon quelle procédure.

" L’opérateur immobilier " apparaît dans le paysage juridique : la province, la commune, le c.p.a.s., la régie communale autonome, la Société wallonne du logement, la société de logement de service public, l’agence immobilière sociale ou le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie reçoivent une nouvelle mission : mobiliser ce patrimoine qui ne remplit pas son rôle de logement.

Le logement inoccupé est défini par le code et précisé dans l’arrêté d’exécution. La mission est claire.
L’opérateur, dans son territoire géographique d’action, devra prendre l’initiative.

Les matières ressortissant au Code Civil sont soumises à la réglementation du Gouvernement : la gestion ou la location, les normes des logements, les candidats-locataires, le calcul du prix du loyer, les régimes d’occupation, le contrôle de la gestion de l’opérateur, les travaux à effectuer par l’opérateur, le mode de remboursement (par le titulaire de droits réels sur le logement) du coût des travaux, le mode de calcul et de remboursement des frais relatifs aux charges d’entretien et à la gestion du logement, les obligations respectives de l’opérateur et du propriétaire, ... toutes ces matières peuvent en effet être régies par le Gouvernement wallon.

A suivre !

2.2. Les acteurs.

Le Code passe en revue les acteurs : la Société wallonne du logement, les sociétés de logement de service public, les sociétés de crédit social, le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie, les pouvoirs locaux, et les organismes à finalité sociale.

2.2.1. Selon les priorités et les orientations du Code et du contrat de gestion, la Société wallonne reçoit cinq types de missions : l’agrément et la tutelle des sociétés de logement de service public, la mise en œuvre du droit au logement ; l’assistance aux sociétés de logement de service public, aux pouvoirs locaux et aux régimes communales autonomes ; l’expérimentation et la recherche ; un rôle consultatif.

Comme les sociétés agréées, elle peut participer à la création et à la gestion d’organismes ou de sociétés mettant en œuvre ou coordonnant la politique régionale du logement.

Le chapitre consacré à la S.W.L. contient également le principe des règlements d’accès, de location, d’occupation, le cas échéant, en dérogation au Code civil, d’acquisition de logements et de prêts à taux sociaux.

Dans la section des ressources ou moyens financiers de la S.W.L., on remarquera que, pour les emprunts, la S.W.L. se voit confirmer son rôle possible d’intermédiaire : " gérer les emprunts ", levés par la Région ou d’autres pouvoirs publics tels que les Provinces, partenaires dans les investissements.

La structure de la S.W.L. et son fonctionnement sont rappelés, en édictant des incompatibilités entre certains mandats d’administrateur, de direction ou de charges de membres du personnel, avec d’autres mandats ou fonctions dans les sociétés agréées.

2.2.2. Les sociétés de logement de service public.

2.2.2.1.Le chapitre dédié aux S.L.S.P. contient une précision liminaire : elles sont désormais des personnes morales de droit public.
Leur forme de société coopérative à responsabilité limitée revêt d’importantes exceptions :
- capital réglementé quant aux souscripteurs et quant à sa détention majoritaire publique;
- cession des parts, qui doit être acceptée par la catégorie de sociétaires titulaire des parts cédées avant de passer, éventuellement dans une autre catégorie ;
- assemblée générale à majorité publique, bien entendu via la composition du capital, mais aussi composée obligatoirement de mandataires élus ou de membres de pouvoirs exécutifs locaux, et représentative des compositions politiques en présence dans le territoire d’action de la société.

- conseil d'administration à majorité publique, et à représentation proportionnelle des compositions politiques locales ;
- agrément nécessaire pour être une société de logement de service public, exercer les missions réservées par le Code et bénéficier des aides régionales
(l’agrément actuel devra être renouvelé avant le 1er mars 2000).

L’évolution du décret sur les intercommunales rejaillira certainement sur la composition de l'assemblée générale.

2.2.2.2. Le champ d’activités territorial des S.L.S.P.

Les sociétés sont appelées à se réorganiser, pour des raisons fonctionnelles et territoriales.

La proximité sociale, la proximité de gestion du patrimoine (terrains et logements), la viabilité économique sont les ratios fonctionnels.

Le rapport au territoire est fixé selon le découpage administratif communal, soit pour adapter par restructuration ou fusion le champ d’activités aux territoires communaux (une ou plusieurs communes), soit pour que les sociétés puissent s’implanter dans une commune ou qu’une commune puisse s’affilier à une société selon que son territoire est contigu géographiquement ou par proximité avec son siège social, " en établissant une cohérence du champ d’activités territorial des sociétés avec les territoires communaux ".

Après une phase de volontariat actuellement en cours, la S.W.L. est chargée d’établir un programme global d’implantation et de fonctionnement cohérent dans les deux ans à dater du 1er mars 1999. Le Gouvernement doit approuver ce programme ; il pourra le mettre en œuvre dans un délai qu’il fixera et en désignant un commissaire spécial qui pourra se substituer aux responsables des sociétés appelées à se restructurer, en remplissant, - à leur place – toutes les phases prévues à cet effet par les lois coordonnées sur les sociétés commerciales.

2.2.2.3. La tutelle.

Sans entrer dans les détails, le Code précise quelques actes de tutelle d’autorisation en en définissant les délais de notification ; il énumère des actes d’approbation, de suspension ou d’annulation. Certains de ses actes, posés par la Direction générale et la Direction générale adjointe de la S.W.L., sont susceptibles de recours.

2.2.2.4. La gestion des difficultés financières structurelles des sociétés.

La politique de redressement ou de sauvegarde des sociétés entre dans le Code wallon pour s’élargir dans la notion, antérieure, d’assainissement à la notion de plan de gestion : les critères de difficulté financière structurelle proviennent des travaux menés par la S.W.L. Le patrimoine, - son âge et sa composition, - les critères socio-économiques sont des facteurs structurels dans la gestion des sociétés de logement social.

Ici encore, cette entrée dans le Code s’accompagnera de mesures possibles de tutelle rapprochée, par la désignation d’un commissaire spécial pouvant se substituer aux organes de gestion et de contrôle des sociétés si celles-ci n’exécutaient pas le plan de gestion, ou encore par des mesures de fusion ou de restructuration.

2.2.2.5. Les comités consultatifs de locataires et de propriétaires.

S’il reprend la définition et le rôle des C.C.L.P. antérieurs, le Code améliore leur fonctionnement, selon le nombre de logements et d’implantation différentes, et accroît son rôle : le comité consultatif des locataires et des propriétaires " approuve les charges locatives ", et est associé à la gestion et aux activités de la régie de quartier sociale.

2.2.3. " L’ancrage communal ".

Un appel est lancé aux pouvoirs locaux pour mettre en œuvre, de manière coordonnée et concertée, le droit à un logement décent.

Les programmes triennaux d’action en matière de logement sont élaborés par chaque commune, en identifiant les opérations à mener, les acteurs, les maîtres d’ouvrages, le nombre et les types de logements à créer, les financements, les stratégies et les délais, en concertation avec les acteurs publics et privés.

Si la Région a un rôle, la S.W.L. est appelée à apporter, avec les sociétés agréées, son assistance technique et financière.

Des programmes d’action peuvent être approuvés par le Gouvernement, qui feront l’objet de contrats d’objectifs entre la Commune et la Région (et la Province, éventuellement).

A la manière d’un contrat de gestion, des moyens financiers pourront être octroyés par la Région, tandis que la commune s’engagera à fonder un service communal du logement, à tenir un inventaire permanent des logements inoccupés et des terrains à bâtir.

Le mouvement est lancé par le Code, la concertation est la règle, les acteurs se mobiliseront.

2.2.4. Les organismes à finalité sociale.

Le Code organise les organismes à finalité sociale, en liant l’agrément à des subventions de fonctionnement.

Trois constructions juridiques sont définies : l’agence immobilière sociale, la régie de quartier sociale et l’association de promotion du logement.

L’association de promotion du logement hérite des missions déjà exercées par les a.s.b.l., sur le terrain de l’action sociale liée au logement : l’intégration sociale par la mise à disposition d’un logement, l’accompagnement social des ménages en état de précarité, le développement de projets expérimentaux.

2.2.5. Le partenariat.

Les articles 35, 60 et 69 inscrivent dans le Code le principe du partenariat, porteur de synergies et facteur d’économies partagées : les acteurs peuvent agir peuvent seuls ou par convention.

La pratique s’en était développée, des arrêtés le reconnaissaient antérieurement. Le partenariat traverse le Code.

3. Conclusions.

La construction du Code repose sur deux parties (les instruments et les acteurs) et sur un principe : la mise en œuvre du droit à un logement décent.
Instruments, acteurs, mise en œuvre, ... le Code, par ces termes, appelle à l’action.
Etre en action, exercer une action, produire un effet, c’est agir.
Le fort adage latin ajoute : " age quod agis ", qui se traduit mieux par " sois attentif à ce que tu fais ".
Le Code wallon du Logement reconnaît les acteurs dans leurs compétences, il indique leurs actions.
Les institutions sont ce qu’en font les hommes.

Pierre-Marie DUFRANNE,
mai 1999