La chaîne alimentaire de l'information
(Deuxième partie)

 

Le virtuel transforme le rapport à l'information et exige de l'école qu'elle fasse autre chose que de montrer à chercher. Qu'elle passe à un niveau supérieur de conceptualisation et qu'elle se place là où il y a meta-connaissance.

Pire. La venue du Web et l'utilisation massive de son interface a étouffé, temporairement, la communication, l'échange. Car ce n'est pas parce qu'il y a transfert de données, qu'il y a échange.

Dans TIC, il y a aussi «communications». Cet aspect échappe encore largement à l'école.

On utilise bien la messagerie en classe, mais les jeunes, eux, ont bien compris que ça se passait ailleurs : bavardage («chat»), MUD et autres MOO, jeux multi-utilisateurs. Ils sont au coeur de l'échange, de la circulation en temps réel.

Où sont donc ces utilisations en classe?

Travail collaboratif, partage dynamique de ressources, construction distribuée des savoirs : tout cela est à venir.

La difficulté n'est pas technique. Tout cela est réalisable dès aujourd'hui (sauf, peut-être, l'utilisation de la vidéo). Il faut plutôt chercher du côté de l'ignorance, du refus et de la peur.

La construction des savoirs échapperait-elle à l'école?

Car, c'est bien de cela dont il s'agit. Comment apprendre? Sinon, comment enseigner?

Recycler

Le passage au savoir représente un nouveau maillon de la chaîne alimentaire. Une phase transformationnelle.

De Héraclite à Wittgenstein, les théories de la connaissance ne manquent pas, mais la question n'est pas là. On pourra toujours démultiplier les théories, le résultat attendu de l'école est toujours: produire l'intelligence requise pour l'époque. Les attentes fluctuent, les théories aussi.

Ce n'est donc pas un hasard si le constructivisme a le vent dans les voiles aujourd'hui.

Et que requiert notre époque? Tout le monde le dit (1): plus tellement des connaissances spécifiques qu'une capacité à reconnaître et articuler des savoirs. Qu'une capacité à recycler des savoirs puisque la véritable connaissance est au delà de ceux-ci.

Ce n'est pas cracher sur les apprentissages spécifiques, c'est reconnaître que pour être meilleur, il faut pouvoir aller au delà. D'ailleurs, l'école commence à le reconnaître en discourant sur les savoirs transversaux, les compétences horizontales et autres méta-choses. Version Alpha.

La fluidité grandissante des besoins et leur complexification commande ce genre de savoir! Demain, il faudra, non seulement savoir manipuler l'information (ce qui est déjà un fait établi), mais pouvoir saisir les enjeux de cette manipulation.

On peut donc imaginer que la meilleure façon d'y arriver, c'est de le faire le plus tôt possible. Y compris à l'école. Donc de construire dynamiquement un rapport à l'information.

"All media exist to invest our lives with artificial perception and arbitrary values." écrivait McLuhan.

Qu'advienne le regard

Le rapport à l'information devrait être schizophrénique. Pris dans un double mouvement de fascination/répulsion. S'y laisser prendre, en profiter, jouer avec; tout en déconstruisant l'information, en épuisant ses images fractalaires, en décodant ce qui la soutient.

Certains parlent d'esprit critique, laissant entendre un paradigme adverse. Mais lequel? Que les médias sont méchants? Que les médias sont bourgeois? Que les médias sont menteurs?

Ce n'est pas en se refusant à l'information qu'on la dépasse, c'est en la saissisant dynamiquement.

Les nouvelles techno sont au coeur de cette construction signifiante puisque celle-ci ne serait pas possible dans celles-là. Et au sein de ces technologies, la communication est la voie royale.

L'information devient alors autre chose. Un regard. Ce qu'il est convenu d'appeler apprentissage. L'information était porteuse de différence, elle est maintenant une différence portée. Une conscience.

Alchimie. Conversion du plomb en or.

La chaîne alimentaire de l'information prend forme:

données
information
connaissance
conscience

Manque la sagesse.

Quelle sagesse!

Sagesse et post-modernisme, mariage improbable, sinon iconoclaste? «La difficulté, c'est de désapprendre.» disait Alexandra David-Neel.

L'école pourrait aussi apprendre à désapprendre.

Tous les savoirs du monde apparaissent bien futiles s'ils ne sont pas désappris puisqu'ils fonctionnent comme des masques du réel. Interprétation.

La première étape est donc d'apprendre le doute. L'école en est loin puisqu'elle construit le sur-moi. Geste manqué.

Ensuite...

La sagesse pourrait être définie comme une distanciation du sur-moi, un rapprochement au soi. Je ne parle pas des cours de morale ou de religion, mais d'une éthique au sens philosophique du terme.

Les technologies sont parfaites pour cela puisqu'elles sont au coeur de toutes les réalités et de toutes les virtualités. Donc de tous les possibles.

La sagesse ne se saisit que comme «médiation»: la sérénité dans l'émotion, la modération dans l'opinion, la transparence dans l'art, la patience dans le temps...

L'information est, en quelque sorte, disparue! et on souhaiterait que l'école participe de cette disparition. Mais le design de cette approche est encore dans les limbes... très loin d'une version, même alpha.

Peut-être parce que cette chaîne de l'information est aussi un parcours initiatique de plus en plus compliqué. 

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(1) Il faudra aller plus loin que ce «tout le monde le dit» un peu facile. J'y reviendrai car il y a beaucoup à en dire. (retour)

 

 

 

@ 3
@nonymus...


 

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