La chaîne alimentaire de l'information Nous connaissons tous cette circulation: partir des données brutes pour en arriver à l'information. Partir de l'information pour en arriver à la connaissance. Rêve de l'école. Internet démultiplie ce rêve. Acessibilité grandissante. Espace et temps réduits comme des peaux de chagrin. Fluidité et complexification de l'information. Vous avez dit information! In-formation devrait avoir tout pour plaire à l'éducation! Le terme est pourtant utilisé à toutes les sauces, galvaudé. Mot passe-partout, facile et vide comme ces mantras récités à l'infini. L'information est une différence. Bateson: "L'information c'est une différence qui crée une différence." La saisie de la différence est information. La chaîne alimentaire, "rapport nutritionnel", est un lien d'habitude qui unit le processus de complexification de l'information en assurant le passage d'un type de différence à un autre. Le «contenu» En éducation, l'information s'est drapée du maître-mot "contenu". Développons du "contenu"! Les gouvernements dépensent des millions pour l'injection de "contenus" éducatifs dans le cyberespace. Quels "contenus"? Personne ne le précise vraiment. Mais de nature pédagogique, évidemment! L'information version bêta. Cette notion floue de "contenu" commande une réflexion sur ce que pourrait être une typologie du matériel éducatif dans le cyberespace (1). En attendant, nous avons vu -et voyons toujours- des accumulations de signets, présentés comme "contenus". Nous en sommes maintenant à un cumul plus raffiné: la récolte de ressources pédagogiques brutes ou commentées (Educasource par exemple). Ou encore sous forme de «propositions» d'activités pédagogiques (Bouscol par exemple). L'art de la base de données, version éducation! Transposition sur Internet des ressources papiers et audio-visuelles. Le réel crée son double virtuel. Un virtuel plus souple, accessible et économique, que l'on croirait de même nature puisqu'il diffère peu de son pendant matériel. L'école espère ainsi échapper, inconsciemment, à son paradoxe face au virtuel. Elle est traditionnellement contrôle de l'information (définition, quantité, séquencement, etc.). Le virtuel... Bien que le rapport à l'information apparaisse identique, il ne l'est pas puisque changer de médium, c'est changer de message. L'illusion qui consiste à croire que l'on peut transposer -grosso modo- un univers en un autre est non seulement grossière, mais absurde. Alors
que l'information est un signal qui doit réduire l'entropie (Shannon),
nous assistons à une prolifération des signaux (H=log2¥),
à une réduction des différences. Toute différence
tend à devenir semblable à l'autre et nous constatons un
effet inverse à celui attendu: une L'école tente de s'adapter! Elle offre les ressources ci-haut mentionnées et reconnaît -du bout des lèvres- la nécessité d'apprendre à circuler sur Internet, d'apprendre à chercher, d'apprendre à trouver aussi. Et d'apprendre à choisir (?). Mais quand l'on creuse un peu, il est bien difficile de trouver les outils intellectuels qu'elle offre. Elle se soumet ainsi à ce que Wired appelle l'économie de l'attention. La visibilité définit la qualité. Celle-ci dépend du nombre de «hits» tout comme un «bon» film dépend du nombre d'entrées! Le sens critique est devenu une fonction mathématique. Pattern et métonymie Tout comme l'information est devenue un pattern. Qui se déploie en géométries variables comme ces moirés informatiques ou ces fractals. Toujours pareil si on y regarde de près. Reconnaître la partie, c'est reconnaître le tout. Une métonimie. Voilà l'essence du zapping et du surffing. L'information est ici métaphore de Dieu. Au goût du jour. Omniprésente et donnant à l'homo erectus l'illusion du contrôle et de la toute puissance. Zapping et surfing sont les mamelles illusoires d'une liberté factice alors que l'homme tourne inexorablement dans le labyrinthe infini du signifiant, décodant, ou essayant de décoder les signes polymorphes d'un code qui est toujours le même. Là-dessus, l'école ne dit rien. Elle est muette, absente. Apprendre à reconnaître? Comprendre comment fonctionne le pattern? Meta-cognition? L'école n'a pas encore acheté le dernier Update. Pourtant, elle pourrait le faire puisqu'elle distille ses propres patterns. Qu'est-ce qu'un cours de français, maths ou autre, sinon un pattern qui grandit et se complexifie au cours des ans en déployant une même structure de base? D'une structure binaire se donnant comme différence à une structure fractale se donnant comme pattern, la chaîne alimentaire de l'information prend forme. L'école n'en perçoit encore que les épiphénomènes, aveuglée par ses habitudes. Cette chaîne ne cesse point là. Elle se prolonge en une métamorphose dynamique... (À suivre) ---------------------------------------(1) On pourrait essayer un genre de taxonomie molle selon les "contenus" éducatifs: A- données brutes, "insignifiantes" en soi : textes, images, sons, etc. (ces documents peuvent être relativement complexes); B- matériel traité, équivalent de cahiers, manuels, leçons (cours en ligne), etc; C- guides, scénarios d'utilisation, vade mecum (tout outil d'aide à l'enseignement utilisant A-B); D- productions d'élèves (tout résultat provenant d'une combinaison de A-B-C); E- zones d'échanges aux "contenus" dynamiques et éphémères (courrier électronique, liste d'échange, chat, visioconférence, etc.). Mais les typologies ne servent qu'à être déconstruites, les rangements (A,B, C et D sont de l'info, E est de la communication) à être ré-arranger. (retour) |
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